Le 25 janvier 1944

Wounded at Cassino – Peter McIntyre – March 1944- Archives New Zealand/Te Rua Mahara o te Käwanatanga – Wellington Office – AAAC 898 NCWA 309

Wounded at Cassino – Peter McIntyre – March 1944- Archives New Zealand/Te Rua Mahara o te Käwanatanga – Wellington Office – AAAC 898 NCWA 309

Combats du 3e bataillon

L’offensive préliminaire : la prise de la cote 470.

La cote 470 constitue « une sorte de musoir en proue de navire qui commande toute la vallée de Belmonte ». Les Allemands y ont concentré une part importante de leurs hommes et de leur artillerie. Il est donc indispensable de prendre cette cote afin de protéger la progression de la 11e compagnie dans le Ravin Gandoet. Si la cote 470 n’est pas prise, les Allemands pourront aisément tirer dans le dos des Français qui escaladeront le Ravin Gandoet.

La 9e compagnie est rassemblée à 200 mètres au sud de Valleluce à 4 heures 30 du matin. Il était initialement prévu que le 4e R.T.T. soit relevé à sa base de départ par le 3e R.T.A. mais le 3e R.T.A., obligé (tout comme le 4e R.T.T. qui l’a précédé) à une marche de 24 heures, est en retard. Gandoet décide néanmoins de lancer les hommes du capitaine Denée à l’heure prévue. Les réserves de cartouches et de grenades sont réparties entre les hommes. Le départ des hommes est donné vers 5 heures du matin.

A 5 heures 40, l’artillerie d’aval du groupement Dunois commence ses opérations destinées à couvrir la 9e compagnie (canons de 155). Les bombardements dureront 20 minutes. A 6 heures, l’artillerie française cesse le feu après avoir pilonné les positions allemandes, quatre escadrilles de Marauders bombarderont, comme prévu, les lieux et en particulier les cotes 721 et 681 (l’O1).

L’arrêt des tirs d’artillerie et le passage des avions laissent place à un silence qui constitue le signal de l’assaut pour la 9e. Denée lance ses hommes. Il est 6 heures 30. Ils descendent d’abord les pentes de la cote 502 jusqu’à la cote 350 au pied de la cote 470. La section du lieutenant Spiroux se sépare du reste de la 9e compagnie et se détache vers la droite à la base du Monte Cifalco.

Puis, les hommes du capitaine Denée gravissent la cote 470 afin de couvrir la progression de la 11e compagnie vers le Rapido. Les Allemands du Cifalco vont assez rapidement commencer à bombarder la 9e compagnie.

Les tirailleurs doivent courir, prendre les ouvrages allemands par lancers de grenades, puis tuer l’ennemi à la baïonnette. Denée progresse avec la 3e section commandée par le lieutenant El Hadi. La visibilité est mauvaise. Le R.P. Bérenguer est au côté du capitaine Denée.

Les pertes de la 9e compagnie sont très vite significatives. La 2e section perd son chef, l’adjudant Laurent. L’ordonnance de Denée, Mohamed Tahar, est tué d’une balle en plein front. Le sergent Gibou est blessé d’une balle qui le traverse de part en part à la hanche en ouvrant un trou béant. Le sergent-chef Daubricourt, le sergent-chef Jaine, le sergent-chef El Hadi, le sergent El Hadi, le caporal Martini sont blessés.

Le Cifalco tire au hasard, à l’aveugle, cherchant à toucher les P.C. français. L’artillerie française reprend alors les tirs sur le Cifalco qui devient complètement aveuglé d’un voile de fumée. Denée continue sa progression : grenades et baïonnette.

A 9 heures, Denée estime être à distance pour lancer l’assaut final sur le sommet de la cote 470.

Extrait du « Bataillon du Belvédère » :

— En avant ! A la baïonnette….

— La Allah ihl Allah ! La Allah ihl Allah ! …

Comme sortis de terre, les hommes se sont élancés. On les voit maintenant. Le paysage, tout à l’heure étrangement vide, vient de se peupler d’un seul coup. Une houle de casques, de dos courbés, d’épaules voutées, de bras et de mains crispés sur le bois ou sur l’acier des armes, de jambes frénétiques vêtues du pantalon kaki, serré dans les guêtres à sous-pied, roule comme une vague hérissée de reflets de baïonnettes, zébrée d’éclairs de coups de mitraillettes et de pistolets.

Les combats sont alors effectués au corps à corps. A 9 heures 30, Denée tombe criblé de balles et passe le commandement au lieutenant El Hadi ben Kacem ben Battab. Les effectifs de la 9e compagnie sont alors réduits de moitié.

El Hadi perd son avant bras mais, amputé, continue sa progression et se jette dans les combats au corps à corps pendant une demi-heure encore.

Extrait du « Bataillon du Belvédère » :

Le lieutenant El Hadi, avec son bras mutilé et sa tunique trempée de sang, est devenu une sorte de drapeau vivant qui sème la terreur chez l’adversaire. Il hurle, il se démène, il tire sur tout le monde derrière lui. Tous peuvent voir sa silhouette intrépide brandir sa seule main valide au-dessus des remous du combat, où l’on s’entretue maintenant à l’arme blanche, à bout portant.

El Hadi sera à son tour criblé de balles au sommet de la cote 470. Le tirailleur Barelli exécute le dernier ordre d’El Hadi : tirer une fusée rouge à deux feux qui annonce la prise de la cote 470.

El Hadi réussit à se redresser et lance à l’ennemi « Vive la France« , puis rend son dernier souffle. Il est 10 heures 30. Il reste à ce moment un seul officier en vie : l’aspirant Koeltz âgé de vingt ans et fils du général Koeltz. A midi, l’aspirant Koeltz a les jambes brisées par un tir en rafales de mitrailleuse.

La 9e compagnie n’a plus de cadres pour la commander. Le lieutenant Spiroux arrive peu après sur les lieux et prend le commandement des tirailleurs ayant survécu. Il rassemble les survivants et tient la cote 470. Il est midi.

Attaque du Belvédère – le 25 et 26 Janvier 44

Attaque du Belvédère – le 25 et 26 Janvier 44

De son côté, la 11e compagnie protégée par l’attaque de la cote 470 traverse le Rio Secco dans une eau glacée.

Ensuite, elle doit franchir le réseau de barbelés mis en place par les Allemands. Le lieutenant Jordy, commandant de la 11e compagnie, ordonne à la section du sous-lieutenant Tumelaire de se porter en avant et cette dernière prendra deux casemates. Puis, Jordy lance la section Chol derrière celle de Tumelaire. Puis, cela sera le tour de la section Coudrin.

Tumelaire s’élance le premier dans le Ravin Gandoet avec sa section. Ils progressent à la file indienne, suivis de la section Chol. Les Allemands réagissent avec énergie et tirent du Cifalco et du Campo Piano. Le lieutenant Jordy, voyant le danger, fait mettre en batterie les mortiers de 60 qui vont à leur tour tirer abondamment sur les positions allemandes.

L’escalade du Ravin Gandoet va durer au moins cinq heures, ce qui donne une indication de l’état de stress et de fatique des hommes au sommet. Le Ravin Gandoet se termine par deux bosses cotant 315 et 382. Il y a des casemates, des blockhaus et des murets de sacs de sable tenus par les Allemands.

Jordy se porte en tête des hommes et décide de lancer les hommes sur la base de la cote 681. Il lance la section Tumelaire. On est à 300 mètres de l’O1. Il est environ midi. Jordy fait mettre en batterie les deux mortiers qui ont été hissés au sommet du Ravin Gandoet.

Tumelaire repère le blockhaus de 315. Il sera pris à 16 heures. Tumelaire fait sept prisonniers aidés du caporal Robert âgé de 17 ans. Les prisonniers appartiennent au 131e régiment d’infanterie de Poméranie.

Du côté de la 9e compagnie, les Allemands lancent à 13 heures une contre-attaque sur les hommes de Denée afin de reprendre la cote 470.

La 9e compagnie ne se replie pas mais elle sera peu à peu décimée. Il ne restera que 18 survivants et ces derniers sans encadrement finissent par battre en retraite. Gandoet interviendra lui-même auprès de ces derniers pour les conjurer de tenir le plus longtemps possible. Les capitaines Louisot et Jean épaulent le commandant Gandoet et ils s’arrêtent à la mi-pente sud de la cote 470. Louisot et Jean y installent deux points d’appui.

Pendant ce temps, la 11e compagnie sort peu à peu du Ravin Gandoet.

Jordy a peu de visibilité de la meilleure sortie possible du Ravin Gandoet car le Cifalco bombarde copieusement la sortie du Ravin ainsi qu’un blockhaus de 382. Il appelle Gandoet en vain pour obtenir un soutien de l’artillerie. Louisot par chance a capté l’appel de Jordy. Il est toujours en aval de l’autre côté du Rio Secco au sud de la cote 470.

Louisot a une bonne visibilité du sommet du Ravin Gandoet et va pouvoir guider Jordy à distance. Deux autres blockhaus sont pris par la 11e compagnie. Louisot indique à Jordy les angles morts vis-à-vis du Cifalco. Le rôle du capitaine Louisot est d’une grande utilité. Son recul lui permet de donner des instructions précises aux hommes de Jordy. Ainsi, Louisot fait parfois redescendre les hommes de Jordy lorsque le relief devient trop vertical, puis leur indique le chemin adéquat.

La progression de la 11e compagnie s’est transformée en véritable exercice d’alpinisme. Les soldats ne peuvent plus se tenir debout et doivent escalader les rochers à quatre pattes. Les tirailleurs – alpinistes deviennent alors des proies faciles pour les snipers allemands.

La montée devient hallucinante. L’effort physique et moral qu’elle exige atteint la limite de la résistance humaine. Il la dépasse. Des tirailleurs, qu’aucune balle n’a cependant touchés, connaissent le voile noir dû à l’étouffement cardiaque, à l’épuisement musculaire. Ils doivent s’arrêter, lutter contre l’éblouissement, se retenir désespérément au bord du vide.

Puis la cote 681 sera prise.

Le sergent-chef Le Greves enlève une mitrailleuse et tue un officier allemand. Un dernier blockhaus sera pris par la 11e compagnie.

C’est un succès important pour Jordy, Tumelaire et Chol. Gandoet félicite le commandant de la 11e compagnie par talkie walkie (appareil 536) pour la prise de la cote 681 (O1). La 11e compagnie occupe la cote 681 et une partie des pentes nord de la cote 721. Jordy demande du renfort.

Le 2e bataillon a quant à lui pris la cote 382 et les pentes sud de 721. L’Olivella est toujours française. Les deux artilleries se bombarderont de manière incessante jusqu’à 23 heures.

Dans la nuit, les Français et les Allemands relèvent leurs blessés, se croisent dans le no man’s land et par respect pour les opérations de secours ne se tirent plus dessus.

Deux sections de la 10e compagnie rejoignent Jordy à 1 heure du matin, celle de Bouakkaz et celle du lieutenant Nicolas.

Le lieutenant Jordy - Photographie FLG – Tous droits réservés

Le lieutenant Jordy
Photographie FLG – Tous droits réservés

Jordy s’adresse au lieutenant Nicolas :

_ Alors ce fut très dur ?

_ Tu peux le dire. Et pourtant, n’est ce pas, je suis taillé en force. Non Jordy, personne ne saura jamais ce que nous avons fait. Personne ne se doutera jamais …. Ces choses-là, vois-tu, ça ne peut pas se raconter. Ca disparaîtra avec nous. Les français de là-haut n’en sauront rien … jamais. Ah ! si ça n’avait pas été pour toi ! …

Puis, les hommes vont tenter de chercher le sommeil jusqu’au lendemain : le 26, date prévue pour l’O2.