Le lieutenant Jordy

Lieutenant JordyRaymond Jordy est né à Limoux (Aude) le 22 juin 1914.

Il effectue les E.O.R. à Saint-Maixent en 1936 et demeure dans l’armée en qualité d’officier de réserve en situation d’activité avec le grade de sous-lieutenant. Il intègre en 1939 le 24e Régiment de Tirailleurs Tunisiens à la Roche-sur-Yon (Vendée).

Il effectue la campagne de France avec le 24e Régiment de Tirailleurs Tunisiens et sera blessé aux deux bras. Son comportement pendant les combats dans la forêt de Mormal lui vaudront d’être cité à l’ordre de division, puis de l’armée et, à ce titre, il sera fait chevalier de la Légion d’Honneur en 1941. Il sort de l’hôpital de Bordeaux et, à peine remis de sa blessure, rejoint l’armée d’Afrique et son régiment, le 4e Régiment de Tirailleurs Tunisiens, en décembre 1940. Après le débarquement des Américains en A.F.N. en novembre 1942, il effectue la campagne en Tunisie en 1942/1943 où son comportement en tant que commandant de compagnie durant les combats de Ragoubet El Mora lui vaudront d’être cité à l’ordre de l’armée. Il est décoré de la Croix de Guerre avec trois palmes.

Le lieutenant Jordy décoré de la Légion d’Honneur

Le lieutenant Jordy décoré de la Légion d’Honneur

Avant d’embarquer pour Naples en décembre 1943, il est lieutenant et seul officier du 3e bataillon décoré de la Légion d’Honneur. Agé de 29 ans, il est le plus jeune officier du 4e R.T.T., commandant de la 11e compagnie, forte de 185 hommes, rattachée au 3e bataillon, lui-même commandé par le commandant Gandoet. Gandoet, qui a pris le commandement du 3e bataillon en mai 1943, a rapidement repéré en Jordy « son courage personnel, ses qualités de commandement, son sérieux, sa bonne humeur et ses aptitudes à faire la guerre« . Gandoet reconnaîtra dans sa correspondance privée que, pour ces raisons, il avait choisi la 11e compagnie pour percer la ligne Gustav.

Le rôle de Jordy et de la 11e compagnie fut central dans les combats du Belvédère. En effet, Jordy reçoit l’ordre de conduire l’offensive principale et de prendre la cote 681 et la cote 862, c’est-à-dire de percer la ligne Gustav. Pour les Alliés, percer la ligne Gustav au nord obligera les Allemands à concentrer leurs forces sur le trou ouvert dans le massif du Belvédère et constitue une manœuvre de diversion par rapport à une offensive directe sur Cassino.

Après avoir franchi le hameau de l’Olivella, la 11e compagnie doit s’engager, très lourdement chargée, dans le « Ravin Gandoet ». La 11e compagnie réussit son premier objectif le 25 janvier 1944, puis, elle reprend son ascension le lendemain le 26 janvier 1944 et, à la surprise des Allemands, parvient à conquérir, à 19 heures, le second objectif, la cote 862 après des combats d’une rare intensité. Jordy recevra l’ordre de tenir sa position alors que les munitions sont très réduites et que les Allemands organisent une contre attaque massive dès la matinée du 27 janvier 1944.

A midi, Jordy envoie un SOS par radio (appareil 536) :

je n’en peux plus, je ne peux pas tenir, sommes presque complètement encerclés, plus de munitions

La 11e compagnie est peu à peu décimée et il ne reste que 35 survivants. A 12 heures 40, Jordy reçoit l’ordre de repli de Gandoet, il rentrera en rage, le dernier après tous ses hommes, avec neuf prisonniers.

Le 28 janvier 1944, Gandoet donne l’ordre à ce qu’il reste de la 11e compagnie de reprendre la cote 862 avec l’appui de l’artillerie. Jordy participe à bout de force à la reprise de la cote 862 lors de la contre-attaque française du 29 janvier 1944. Gandoet s’inquiète alors de la disparition de ses principaux officiers et afin de parer l’éventualité de sa propre mort, il demande à Jordy le 29 janvier de rester près de lui afin de lui confier le commandement du 3e bataillon s’il venait à disparaître.

C’est pourtant Jordy qui, le jour de la relève du 4e R.T.T. par le 3e R.T.A., sera tué par deux obus tirés du Cifalco le 4 février 1944, alors qu’il redescendait du Belvédère avec Gandoet. Le colonel Lagrange a donné un témoignage inédit de cette journée sous la rubrique « La relève du Belvédère, le 4 février 1944 » de ce site.

Raymond Jordy sera inhumé le 6 février 1944 avec l’ambulancière Loretti et aura droit à un discours personnel du général Juin qui déclarera que Jordy fut l’un des officiers les plus brillants des combats du Belvédère. Devenu maréchal, Juin lui rend à nouveau hommage dans ses mémoires notamment en indiquant que la mort, le dernier jour des combats, de « l’utilisateur du Ravin Gandoet » symbolisait le martyrologe du 4e R.T.T.

Jordy demeurera dans l’histoire de la campagne d’Italie comme le premier officier allié ayant percé la ligne Gustav, ce que l’armée anglo-américaine de Clark n’avait pu réaliser dix jours plus tôt.

EOR - Promotion Jordy

La promotion d’EOR 74/08 porte son nom.